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Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/164

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pour pareils aux siens ; l’épi de blé caressait de ses longues barbes le tapis de soie mauve qui étoffait la table et en voilait à demi de ses plis le pied d’ébène dont une chimère sculptée tuméfiait la torsion.

Des fenêtres on voyait le jardin d’Hermas. C’était une vaste esplanade dallée de marbre verdâtre ; malgré la dureté de sa matière, sa couleur donnait l’illusion d’une surface humide, moisie et spongieuse. Tout autour, des bordures de houx pointillé de petits fruits rouges semblaient taillées dans un jaspe sanguin. Un bassin d’eau verdie s’ornementait, debout sur une patte, d’un ibis rose qui avait l’air d’une fleur malade. Une ligne de cyprès coniques fermait la vue de cet étrange et artificiel marécage de pierre et de feuillage ; au-dessus pourrissaient les restes d’un couchant oxydé de cuivre et vitrifié de salives sanguinolentes et tièdes.

Tout à coup, derrière chaque cyprès, une flûte discordante chanta, puis elles émirent, une à une, la note de leur isolement ; ensuite elles s’apparièrent et enfin s’unirent ; elles chantaient, lointaines et minutieuses, au seuil de la