Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/216

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alors ou, d’un groupe de roseaux, un seul, le plus grand, oscillait longtemps.

Devant moi c’était l’avenue silencieuse de la rivière, la quiétude de sa coulée ou l’attrait de son tournant ; puis le paysage vers qui j’allais séparait son ensemble à mon approche. Il se partageait et glissait de chaque côté, en files d’arbres, en prairies, en feuillages se correspondant ou s’alternant d’un bord à l’autre. Leur double passage reconstituait derrière moi, si je tournais la tête pour les voir, une ordonnance et une surprise nouvelles dont l’aspect se modifiait encore à mesure de mon progrès vers ce qui fournissait à son changement la matière de sa variété.

Ce furent : des prés d’une herbe vaporeuse frôlée de lambeaux de brume, des chemins bordés de peupliers, des roseaux et des iris aux flexibles feuilles en épées ; tout se refléta dans l’eau exacte et, quoique le jour diminuât seulement, le silence était celui du plus calme soir. Les marbrures du ciel tacheté de nuages, çà et là, empierraient de plaques d’opacité l’eau qui, appesantie, semblait descendre entre ses berges.