Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/215

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balancent à la marche des filles et leur ordonnance est dentelée de malices et brodée de coquetteries ; sur la tête des aïeules, elles se simplifient et s’endorment, avec des cassures, nonchalantes et un peu roides.

Les arbres du mail alignaient régulièrement, dans l’eau accueillante de la rivière, leur mirage désœuvré, d’accord avec le jour dominical qu’attestait aussi le batelier, assis, jambes pendantes, sur le parapet du pont et qui m’interpella pour l’offre d’une promenade sur le Leta.

La langoureuse rivière ne coulait pas et s’étendait entre les quais et les arbres, puis elle tournait avec lenteur, attentive et engourdie, à pleins bords, au ras de l’herbe d’une prairie que dominait, au loin, une ombre forestière sur un ciel nuancé déjà de crépuscule.

L’horloge du clocher sonna cinq heures ; une feuille se détacha d’un petit orme, tournoya, se posa sur l’eau et y resta immobile. Je descendis vers la barque et elle démarra doucement.

Les deux rameurs, du coupant de leurs rames, entamaient l’eau unie et compacte où le sillage angulaire de la barque s’élargissait jusqu’aux berges. Un brin d’herbe y remuait