Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vînt souvent, ici, du monde, ajoutait-elle, voir la ruine. — « Quelle ruine ? » — « Celle, Monsieur, du château de Barbe-Bleue, du seigneur de Carnoët. »

Son visage était calme sous sa coiffe blanche de paysanne et sa bénigne bouche souriait à demi presque à regret. La grande cape qui enveloppait son corps tombait à plis graves.

Avec le costume immuable de ce pays elle ressemblait à ses pareilles d’autrefois et, en un recul singulier, elle m’apparaissait, au seuil des vieux âges, comme une contemporaine du Sire, légendaire en sa tragique histoire. Sa demeure ! et je pensais à la haute tour, aux belles robes orfévries et sanglantes, aux supplications des douces lèvres pâles, au poing brutal tordant les longues chevelures éplorées, lendemains funestes de noces captieuses et tentatrices dont j’avais entendu l’écho dans les cloches festoyantes de ce jour et dont, avec l’encens, j’avais respiré le souvenir dans la nef de la vieille Eglise.

 

Ce fut par un crépuscule pareil à celui-ci, sans doute, que Sœur Anne qui, durant tout le jour, n’avait vu que le soleil poudroyer, pleura de ce