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II

AVENTURE MARINE ET AMOUREUSE

« Mon enfance turbulente fit vite place à une jeunesse difficile, mais on avait pardonné à l’une ce qui de l’autre me valut d’être, à dix-sept ans, embarqué sur le Sans-Pareil qui portait le pavillon de votre oncle l’Amiral. L’escadre était en partance quand mon père m’amena au port. De l’auberge je le suivis à travers les rues où il se retournait parfois pour voir si je ne m’esquivais pas, car il redoutait quelque escapade et l’occasion ainsi manquée de se défaire de moi.

Les quais regorgeaient. Des portefaix, courbant la nuque sous le poids des caisses, passaient en bousculant la foule. On se sentait heurté et coudoyé. La sueur coulait des fronts hâlés et la salive fusait du coin des lippes. La corpulence des tonneaux bombait sur les dalles