Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/261

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grès de son état. Elle m’opprimait de tout l’oubli de ses causes et de tout le poids de sa consistance.

Rien n’en illuminait le sourd et ténébreux passé : glaives d’or parmi les cyprès, bagues de joie et d’alliance perdues aux eaux captatrices, torches, sur le seuil, par le vent de la nuit, sourires au fond du crépuscule, rien n’illuminait l’ombre invariable d’où j’étais parvenu, par de laborieux chemins, jusque là où, las d’une marche dont la fatigue seule me faisait ressentir la distance, perdu dans la forêt, je m’assis au bord d’une fontaine comme on se repose auprès d’une tombe.

Tout ce que j’avais souffert était mort en moi et je respirais l’odeur de cendre qu’exhalait ma mémoire. Il s’y était mêlé certes des chairs, des fleurs et des larmes, car j’y retrouvais un triple parfum de regret, de mélancolie et d’amertume. Il y avait des échos au fond de cette taciturnité intérieure, mais ils y étaient engourdis et ce passé informe et mystérieux m’environnait de ses ténèbres endolories. Sans savoir ses circonstances, je ressentais un regret, une mélancolie et de l’amertume ; j’aurais voulu que