Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/260

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que je sentis frôler ma main. Je tressaillis car j’attendais, anxieux de ce silence, pour continuer ma marche, que quelque cri d’oiseau ait rompu l’immobile sortilège. Tout se taisait d’arbre en arbre et si loin que je me sentis pâlir, moins peut-être de solitude que de cette caresse de feuille qui m’avait effleuré la main, plus légère qu’au songe les lèvres même du souvenir. Je m’approchai de l’eau, instinctivement, pour y voir mon visage et l’y voyant pâle et perplexe, vieilli de tout ce qu’une onde ajoute de nocturne à ce qui s’y mire, je pensai à Hermogène, à mon maître Hermogène. J’entendais de nouveau sa voix au fond de moi et elle me répétait la mélancolique histoire qu’il m’avait contée, l’histoire qui commençait aussi à un carrefour de la forêt près d’une fontaine où il aurait vu son visage.

*


Par quelles voies mystérieuses, me disait Hermogène, à travers quelles impitoyables aventures avais-je dû passer, me disait-il, pour n’y avoir conquis que le sentiment d’une immense tristesse telle qu’elle me voilait, par l’excès de son amas, la mémoire de son origine et le pro-