Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/299

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d’un miroir où, m’étant vu, face à face, j’avais instinctivement croisé le fer avec moi-même.

Dès lors, je descendis moins souvent au jardin et passai mes journées, aux fenêtres de la façade, à regarder la place.

Les habitants la traversaient sans même lever les yeux vers la maison. Personne ne frappait à la porte, la sachant inexorablement fermée ; seuls des mendiants vagabonds ou les colporteurs en soulevaient parfois le heurtoir. Ces marchands vendaient des images populaires grossièrement coloriées, romanesques et brutales, aventures célèbres, drames en complaintes, toute la vie... Ceux-là laissaient le marteau forgé retomber de tout son poids ; le logis résonnait du coup ; toute ma solitude tressaillait et, dans ce sourd grondement, j’évoquais le bruit provocateur d’un sabot de cheval, le départ, le galop, l’écume au mors, le vent dans la crinière...

Ce heurtoir était assez remarquable, plus encore que par la sommation grondeuse de son heurt à quelque Destin abstenu, par sa forme et par sa singularité. Il représentait, dans du fer, un buste de femme terminé en volutes.