Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/32

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d’écume et d’embrun ; ses mains mystérieuses crispent des grilles ; et, debout, avec son torse de trombe, son manteau de brume, son visage de nuées et ses yeux d’éclairs, il dresse son prestige de flot et de bourrasque et innombrable, écroulé dans l’aboi monstrueux des vagues, hué de gueules et lacéré d’ongles, succombe au fracas de sa chute, et renaît de la bave de sa propre fureur.


*


La mer était uniformément douce et unie quand nous arrivâmes dans les parages de l’île de Lérente. Nous venions de fort loin, d’une longue croisière sur des eaux brumeuses. Les glaçons se fondirent à notre entrée dans ces régions tièdes ; au ciel éclairci peu à peu le soleil reparut. Le pavillon cramoisi ondulait à la brise ; la figure de proue se mirait au miroir continuellement brisé devant elle par la rapidité de la course qui en éparpillait le cristal et, un jour, au soleil couchant, la vigie cria : Terre ! La côte apparut un instant, dans une gloire verte et rose, mais, avec le crépuscule, un moite brouillard, enveloppa le vaisseau et couvrit toute