Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/35

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masse noire. Il venait jusqu’à la mer d’où montait la blancheur d’une terrasse de marbre. Un escalier en descendait. Les marches s’égouttaient doucement. Une statue de femme se dressait de chaque côté : le reflux en découvrant leurs reins faisait d’elles deux sirènes. Les écailles polies de leurs queues mouillèrent mes mains. Je m’approchai de l’une et de l’autre et, me haussant, je les baisai chacune aux lèvres. Leurs bouches étaient fraîches et salées. Je gravis les degrés. Au haut je m’arrêtai. Une étoile luisait au-dessus des arbres ; de grandes allées s’ouvraient dans leur épaisseur. Je suivis celle du milieu, elle aboutissait à un rond-point bordé d’arcades de buis sous lesquelles retombaient des fontaines jaillissantes.

Au centre, dans une grande conque nacrée, une femme dormait. L’eau qui, derrière elle, coulait d’une haute rocaille emperlait ses joues et ses seins. Elle reposait, un bras sous la tête, allongée dans la coquille propice à son sommeil marin. Il faisait là une demi-clarté nocturne où miroitait sa longue robe glauque. Elle souriait en dormant. Son sourire s’éveilla sous mon baiser. La conque onduleuse fut douce à nos