Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/36

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corps unis. Je la pris ; un soupir gonfla sa gorge, ses cheveux se dénouèrent et, silencieusement, dans l’ombre transparente et parfumée, au murmure des fontaines, à l’improviste et longuement, nous possédâmes, elle, peut-être l’image nue de son rêve, et moi la déesse mystérieuse de l’île embaumée.


*


« Qui es-tu, me dit-elle tout bas, en rattachant sa chevelure dont le bout humide se collait à son sein ému, qui es-tu donc, qui viens mystérieusement ainsi dans les jardins clos éveiller les dormeuses nonchalantes ? D’où es-tu venu ? Tes lèvres ont le goût salé de la mer et ton corps a la nudité divine. Pourquoi choisis-tu l’ombre pour apparaître ? Les dieux marins sont depuis longtemps les maîtres de l’île, parcours donc tes domaines. J’ai construit cette retraite à la gloire de l’Amour et de la Mer. De ma terrasse, on la voit toute. Les hautes marées mêlent leurs flocons d’écume au duvet des colombes de mes arbres. Le vent semble déferler dans les cimes harmonieuses. On dirait que les flots rauques et chatoyants roucoulent. J’ai paré mes jardins