Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/37

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de coquillages et de fontaines et j’ai dressé sur les marches de mon seuil les statues des Sirènes qui, jadis, habitèrent ces lieux. Sont-ce elles qui t’envoient à moi leur sœur, terrestre, hélas ? mais la houle de mes seins se rythme au mouvement des flots, les ondes de mes cheveux imitent l’ondulation des algues, mes ongles semblent des coquilles roses. Je suis suave et salée et cette robe glauque est si limpide que j’y apparais comme à travers de l’eau qui me coule continuellement sur le corps. » Elle souriait en parlant ainsi, puis elle se tut et mit un doigt sur ses lèvres.

Au même instant des flûtes chantèrent dans les bosquets illuminés ; des lanternes s’allumèrent aux arbres ; on entendit des pas et des rires.

Nous nous étions levés tous deux : quelque chose me traînait à la cheville et je ramassai une longue algue que j’enroulai en ceinture à mes reins. Le bout de l’allée s’éclaira. Des porteurs de torches précédaient en gambadant un cortège d’hommes et de femmes richement costumés. La soie des dominos se gonflait au battement des éventails. La mascarade se répandit par les jardins. Les torches se reflétaient aux fontaines,