Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/45

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A mes offres de loger au château Polydore préféra le séjour de ses barques. La quatrième où je le laissai contenait des chambres commodes. Je lui souhaitai bon sommeil et me retirai.

Quelques jours après il vint me voir. Il portait un livre sous le bras et un parasol pour se garantir du soleil. Je lui fis visiter le château. Il s’intéressa vivement aux mousses qui couvraient les vieilles pierres. Il me parut pâle et je lui reprochai la mollesse de sa vie. Mes officiers, bons garçons et francs vivants, l’eussent distrait de sa solitude. Il refusa : Non, Monsieur, me dit-il, je préfère ma demeure flottante. La rivière est douce au sommeil : elle berce à peine ; on ne l’entend pas plus couler que la vie, et on se sent porté par elle sans qu’elle vous emporte dans sa fuite. J’aime ma solitude sédentaire : j’aime l’ombre aiguë et charmante que fait sur l’eau, vers le soir, votre château. A travers la grande arche du pont je vois les peupliers de l’île ; on est assez près de la mer pour que quelques mouettes remontent jusqu’ici, j’aime leur vol ; celui des hirondelles me distrait aussi ; les chauves-souris se croisent, et mon petit singe