Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/78

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sentir quelque chose du bestial guet-apens qui rôdait autour de sa beauté.

Il faisait nuit : j’errais par les rues en un désordre inexprimable. La pluie commença à tomber. Cela dura longtemps. J’allais toujours sans savoir où je me trouvais quand, levant les yeux, je reconnus la maison de M. de Nouâtre. Je le savais ami du chef de la police et l’idée me vint de le consulter en même temps que de lui apprendre le tragique événement de cette affreuse soirée. D’ailleurs cet hôtel si inopinément désert, ma présence sur le lieu du crime, tout cela constituait contre moi, par une suite de faits inexplicables, une prévention monstrueuse dont il était urgent de devancer le soupçon.

Je sonnai. Le domestique me dit que M. de Nouâtre était à la chambre qu’il gardait depuis plusieurs semaines. Je montai précipitamment l’escalier. Une horloge tinta onze heures, je frappai et j’ouvris sans attendre, et je m’arrêtai au seuil. L’obscurité emplissait la vaste pièce. La fenêtre devait être ouverte car j’entendais pleuvoir au dehors sur le pavé de la rue déserte où donnait l’arrière de la maison. J’ap-