Page:Régnier - La Cité des eaux, 15e éd.djvu/142

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Je sens sourdre à mes pieds des sources ; je respire
La résine, le fruit, la vendange, la cire
Et je devine au fond de l’ombre et parmi elle
Comme un cercle incertain de faces fraternelles.
La Vie autour de moi murmure, vibre, bat ;
Je la sens dans cette ombre où je ne la vois pas ;
Sa rumeur est lointaine ou proche, brusque ou douce ;
Un invisible rire erre de bouche en bouche,
D’arbre en arbre, de feuille en feuille. Tout frissonne.
Et je sais qu’ils sont là, si je ne vois personne.
C’est en vain qu’on se tait ; j’entends, j’entends, j’entends !

Puisque l’arbre, la source et la feuille et le vent
Sont venus jusqu’à moi et m’apportent en eux
Leurs obscures odeurs et leurs bruits ténébreux,
Êtes-vous là, fils de la glèbe et du sillon,
Hôtes de la forêt, de la plaine et du mont,
Ô formes à demi terrestres et divines ?
Toi, Faune, qui cueillais les grappes à ma vigne,
Et toi, Satyre, qui dansais sur mon chemin,
Et toi, qu’on entrevoit entre les troncs, Sylvain ?
Ô vous tous, avec qui, dans l’antre et le hallier,
J’ai vécu, de chacun longuement familier,
N’êtes-vous pas venus avec le vent et l’arbre