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LES ROSEAUX DE LA FLÛTE

Il s’avança de quelques pas dans les roseaux,
Flaira le vent, hennit, repassa l’eau ;
Le lendemain, j’ai vu l’ongle de ses sabots
Marqué dans l’herbe…

Des femmes nues
Passèrent en portant des paniers et des gerbes,
Très loin, tout au bout de la plaine.
Un matin, j’en trouvai trois à la fontaine
Dont l’une me parla. Elle était nue.
Elle me dit : Sculpte la pierre
Selon la forme de mon corps en tes pensées,
Et fais sourire au bloc ma face claire ;
Écoute autour de toi les heures dansées
Par mes sœurs dont la ronde se renoue,
Entrelacée,
Et tourne et chante et se dénoue.

Et je sentis sa bouche tiède sur ma joue.

Alors le verger vaste et le bois et la plaine
Tressaillirent d’un bruit étrange, et la fontaine
Coula plus vive avec un rire dans ses eaux ;
Les trois Nymphes debout auprès des trois roseaux
Se prirent par la main et dansèrent ; du bois
Les faunes roux sortaient par troupes, et des voix,