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LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS


LE BERCEAU


Je ne t’enverrai pas, mon fils, dans ton berceau,
Pour que tes jeunes doigts rompent leurs nœuds jumeaux,
Les deux serpents, tous deux nés de l’œuf du Destin,
Ni pour tenter, enfant, la force de ta main,
Ni pour voir s’enrouler à tes bras endormis
Les écailles d’or clair des monstres ennemis
Dont ton réveil rieur eût déjoué la dent ;
Non ! mais je placerai à ton chevet prudent,
Avec la talonnière et avec la cibise,
Le subtil Caducée où leur ruse s’est prise
Au thyrse où s’enroula leur double corps flexible,
Car tu ne seras pas Hercule, ayant pour cible
Les oiseaux du Stymphale ou la laie au dur crin,
Et je veux que ta vie, enfant, et ton destin
Soient voués au cher dieu que coiffe le pétase ;
Que pour toi l’outre s’enfle et l’amphore s’évase
Et que, par les chemins, sous tes pas sans cailloux,
Naisse la douce fleur et tombe le fruit doux,