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LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS


EFFIGIES


Le Regret, si longtemps, qui marcha dans ta vie,
Avec ses jours fanés et ses grappes cueillies,
Et que suivaient toujours, pas à pas, en chemin,
Pour le mordre au talon et lui lécher la main
Le lévrier fidèle et la louve méchante,
S’arrête en entendant une flûte qui chante,
Magicienne aux lèvres pâles de la Mort ;
Et, pendant qu’il soupire et qu’il écoute encor,
Lui qui jadis vivait de ta chair et qui sent
En ses membres couler la force de ton sang,
Peu à peu se transforme en un marbre muet ;
Et, debout, il écoute en l’écho qui se tait
Mystérieusement la flûte qui s’est tue
Et dont le sortilège enfin le fait statue ;
Tandis qu’auprès de lui, pris au double métal,
Semblent, consolateur ou bourreau de son mal,
L’un mordant le talon, l’autre léchant la main,
Gronder le chien de bronze et la louve d’airain.