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LES ROSEAUX DE LA FLUTE

L’heure, abeille qui sort, rentre guêpe à la ruche ;
Le Satyre s’endort et le Triton s’accoude
Sur le sable où sa main soutient sa tête lourde ;
Une même marée et un même reflux
Emporte ceux qui sont vers ceux qui ne sont plus,
Et le même destin, qu’ils subissent, délie
Le dieu qui l’a créé de l’homme qui l’oublie ;
Le rire en pleurs sanglote et la voix se lamente ;
Mais la Sirène morte est la vague vivante
Qui se gonfle en poitrine et s’échevèle en crins,
Et d’autres reverront les prestiges marins.
Car maintenant j’écoute encor sur le rivage
Sa voix âpre et stridente en les houles du large
Venir avec le vent et les parfums du soir ;
Et pour ne plus l’entendre, en mon vieux désespoir
Qui m’a fixé perclus sur la grève déserte,
Dans ma conque au col teint de nacre rose et verte,
Je souffle éperdument pour étourdir en moi
L’intérieur écho de l’éternelle voix.