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LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS


LA GROTTE


Jadis, nous étions trois Faunes dans la forêt.
Nos bouches ont mordu les grappes et le lait
Qui comblent la corbeille et caille dans la jatte ;
Nos barbes de poil jaune et nos clairs yeux d’agate
Apparaissaient dans l’ombre au détour des sentiers
Et nos dents blanches, aux pommes que vous jetiez,
Filles ! en nous fuyant, riaient de votre fuite.
Nous mêlions l’olive à la châtaigne cuite
Et le soleil faisait nos cornes toutes d’or,
Et nos flûtes, parmi les fleurs où elle dort,
Éveillaient au matin la fontaine engourdie.
Nous riions en regardant la parodie
Que font de notre allure et de notre maintien
Les boucs dansant parmi les troupeaux et les chiens
Qui bêlent à la file et jappent vers la lune,
Et les feuilles tombaient des arbres, une à une,
Ou la neige des fleurs embaumait les vergers,
Car Septembre au pas lourd, Avril au pas léger,
Marchent par les chemins de l’An et de la Vie.