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LA CORBEILLE DES HEURES


Le Printemps t’a fêtée, ô Divine ! et, là-bas,
L’Été silencieux vers qui tu marches nue
Entr’ouvre sa paupière et lève ses yeux las.

Toute la plaine est d’or de t’avoir reconnue ;
La houle des blés mûrs s’enfle et déferle au vent
Et la source est joyeuse où ta beauté s’est vue.

Le flexible lierre et le pampre sanglant,
Les plantes de la mer, du fleuve et de la plaine
S’entrelacent autour de ton thyrse indolent.

L’heure semble attentive à ta grâce sereine ;
Pose ton pied charmant sur les mousses, et fais
De ta coupe perler l’onde de la fontaine.

Ton geste gracieux l’épanche au gazon frais.
Reste ainsi. Le soleil en sa gloire fleurie
Te sculpte une chair d’or dans un marbre de paix.

Mais regarde, là-bas, venir sur la prairie
Le Crépuscule lent et l’Automne qui tient
Son sceptre rouge où pend une grappe meurtrie.

L’un et l’autre, à leur tour, te prendront par la main ;
Ils savent les sentiers de la forêt fatale
Où tes pieds saigneront aux ronces du chemin.