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LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS


LES VISITEUSES


 
J’honore ici, venue au travers de mes songes.
Par les routes de ma mémoire, avec mon Ombre,
Celle-là qui sourit et qui porte en ses mains
L’Urne funèbre où sont mes jours et mes destins,
Cendre qui fut l’amour, cendre qui fut la gloire !
Victorieuse de la tragique victoire.
Cette Passante vient du fond de mon passé,
Souriante à demi de l’avoir traversé
Depuis ses cailloux durs jusqu’à ses fanges tièdes
Et ses fleuves et ses campagnes et ses herbes
Et ses vastes forêts vertes comme la mer !
Cette Passante vient des vergers de ma chair
Où jute le fruit doux auprès du fruit qui saigne,
Souriante elle a bu, penchée, à la fontaine
De mes heures et pour y boire elle a souri,
Car ni le Faune ardent, ni l’herbe qui fleurit
Vénéneuse et sournoise avec ses fleurs naïves,
La morsure, ni le baiser, ni les eaux vives