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LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS


Ses doux seins fleurissaient la grâce de son torse
Et la nature souriait avec sa bouche ;
Les grands arbres aimaient sa chevelure torse.

Elle était la chair bonne et la volupté douce,
Le délice d’aimer et l’ivresse de vivre,
Le soleil sur la fleur et le ciel sur la source.

Elle a quitté toute la forêt pour le suivre.


LA PLUS VIEILLE


Elle était la Nature ; il a voulu la Femme
Et sans avoir compris pourquoi elle était nue
Il a fait un flambeau de ce qui fut la flamme,

De ce qui fut l’aurore et le vent et la nue
Il a fait le fouet, la pluie et le tison ;
Il maudira le jour où il l’aura connue.

Car sa Lampe mettra le feu à la maison ;
Et la voici debout à peine sur le seuil
Que la Mort avec elle entre dans la maison.

Avec le manteau sombre elle a vêtu le deuil ;
La ruse craque au pas prudent de ses sandales,
Et ses cheveux nattés sont déjà de l’orgueil ;

Son voile est le mensonge et l’or vil de ses bagues
Est pareil aux serments auxquels je vois sourire
La froide cruauté de sa face de marbre.