Toute ma chair
Vivante à la tienne enlacée,
Et sur la bouche grave et pâle de ton songe
Ma bouche fraîche !
Je n’ai pas en moi de fantôme pour ton ombre,
Je ne suis pas l’ombre que ton rêve cherche ;
Pourquoi m’as-tu voilée ainsi de robes lourdes
Et fermé sur ma chair le manteau grave
Que crispaient à mon col les ongles de l’agrafe ?
Pourquoi par le mensonge qui me couvre
De ses plis m’as-tu faite semblable aux autres femmes,
Moi la pure, la vivante, la nue,
Pourquoi m’avoir vêtue ?
Ô tresses qui faites de la chevelure
Où le vent chante
Et qui croule sur l’encolure
L’or roux de sa vague vivante,
Ô tresses qui faites de la chevelure
Tressée et haute et qui se recourbe et qui se dresse
Le casque d’or de quelque guerrière méchante
Où la chimère, hélas ! se love dans la tresse
Et darde sa langue
Qui siffle et qui s’effile en quelque boucle ardente,
Ô lourds cheveux qui se façonnent en casque,
Ô robes dont la traîne écaillée et qui rampe
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LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS
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