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ARÉTHUSE

Berce mes cheveux d’or parmi tes algues rousses,
Prends les fleurs de mes seins parmi tes fleurs marines,
Gonfle tes vagues contre ma poitrine,
Ô souveraine, ô bonne, ô douce.
Mêle mes ongles à tes coquilles
Et mes lèvres à tes coraux.
Fais de mes oreilles des conques pour tes échos,
Ô souveraine,
Fais-moi toi-même
Jusqu’au jour où, surgie encor de ton écume,
J’apparaîtrai encor la même,
Peignant à mes cheveux les perles de l’écume
Qui couleront sur mes seins, une à une,
J’apparaîtrai !
Ô souveraine,
Reprends-moi en ton flot maternel et sacré
Car je suis revenue ;
Moi la Vivante, moi la Nue
Ô souveraine,
Reprends-moi nue,
Moi ta Sirène !


Une vague plus haute l’emporte dans sa volute. Puis la mer se calme, étale. Le crépuscule efface les rochers, la grève. Le ciel commence à s’étoiler, et, de très loin, à la proue d’un navire invisible on entend, plus distincte et plus proche à mesure qu’il parle, la voix du veilleur de proue :