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ARÉTHUSE

Vous disiez qu’elles n’existent pas,
Vous disiez qu’elles ne peignent pas
Leurs cheveux d’algues, une à une,
Souriantes au-dessus de l’écume ;
Et ceux qui viennent de la terre, avec encor
À leurs talons la glèbe grasse du labour
Et les feuilles sèches de la forêt, avec encor
À leurs mains le geste gourd
De la charrue ou de la herse ou de la hache,
Tous ceux-là criaient avec vous
Que j’étais fou,
Qu’en les champs il n’est plus de Faune qui se cache
Accroupi dans les blés d’où sortent ses cornes,
Et que dans les bois mornes
Les hêtres tombent, branche à branche, au crépuscule
Au heurt des haches,
Arbre par arbre,
Sans que saigne au tranchoir le sang de la Dryade,
Et qu’on n’entend plus galoper par la plaine
Le Centaure emportant la Nymphe des fontaines
Sur sa croupe, riant dans l’ombre, toute nue,
Et que le temps est mort des faces inconnues
Qui pleuraient dans la pluie ou parlaient dans la nuit :
Masques de l’antre où rit la bouche de l’écho,
Visages du rocher, yeux des eaux,
Destins à nous venus dans la nuit et le vent