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les médailles d’argile


Tes pieds graves sont faits pour marcher dans la vie
Au son des flûtes d’or et des lyres d’argent,
Et pour fouler aux pas de leur plante polie
L’indestructible marbre et le sable changeant.

Et je te vois déjà comme si, dans un rêve,
Éblouie et fatale en ta haute beauté,
Riante, tu passais le seuil qui surélève
Le palais vaste encore et plus tard dévasté,

Mais l’heure triomphale, amoureuse et lointaine,
N’est pas encor venue au-devant de tes pas,
Et l’écho doux qui vibre au chaste nom d’Hélène
Le répète à mi-voix et le redit tout bas ;

Le bruit des boucliers et le fracas des armes
Sommeille en l’avenir peut-être au loin grondant ;
Et la rosée encor pleure les seules larmes
Dont se mouillent ta joue et tes lèvres d’enfant.

Le murmure de l’eau fidèlement furtive
Berce ta solitude et charme ton repos,
Et les cygnes amis de l’onde et de la rive
Troublent seuls le sommeil des nénufars égaux.