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les médailles d’argile

LE PHILTRE


D’une pointe de flèche où le sang goutte encor
L’Amour a, par deux fois, sur ton écorce lisse
Gravé son nom cruel et doux, affre et délice,
Que le fer tour à tour meurtrit, caresse et mord.

La sève au sang divin mêle ses larmes d’or ;
Et le philtre amoureux en tes fibres se glisse,
Et, pour que la ramure au ciel s’épanouisse,
Le tronc plus douloureux se contracte et se tord.

Et depuis, à ton ombre assis, j’entends qui chante
Ta cime harmonieuse et toujours frémissante
Avec tous les oiseaux de l’aurore et du soir ;

Et, tordue à mes pieds où leur nœud s’entrecroise
Je vois sourdre et ramper au sol vorace et noir,
En serpents souterrains, la racine sournoise.