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l’arbre de la route

LA BÊTE


Et cet Autre a passé, suant, sous le soleil,
Lié par ses deux poings que la corde excorie,
À conduire l’opprobre et l’obscène furie
D’un bouc farouche et roux, à quelque Dieu pareil.

Haletant et tendu de la nuque à l’orteil,
Jarret nerveux et sang aux mains et peau meurtrie,
Il mate un instant, rompt, entrave et contrarie
L’âpre effort de la bête horrible au poil vermeil.

Le brusque bouc debout, droit, sur ses sabots d’or,
Se cabre contre lui, lutte et l’entraîne encor ;
Et l’Arbre est dépassé de la route éternelle.

Et le pasteur vaincu suit l’ouaille revêche,
Sachant qu’il ne pourra jamais à cause d’elle
Goûter l’ombrage frais et boire l’ombre fraîche.