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les médailles d’argile

CONTRASTE


La chair tiède où le sang gonfle, anime et nourrit
Ta peau voluptueuse et souple qu’il colore
D’une rougeur de pêche et d’un reflet d’aurore,
T’as faite, en ton corps, femme et femme par l’esprit.

Ton oreille est docile et ta bouche sourit
À toute la nature odorante et sonore,
Et ta jeune beauté semble toujours éclore,
Sensible à ce qui naît, chante, embaume et fleurit ;

Mais Elle, taciturne à jamais, la Statue
Qui, immobile au bronze, attentive, s’est tue,
Semble écouter en elle et méditer tout bas,

Dans le métal durci qui moule sa stature
Et la dresse debout et se croisant les bras,
Le secret anxieux de la matière obscure.