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Mes Sœurs, notre jeunesse a mûri lentement
Sa grappe savoureuse à nos treilles rivales
Et nos jours que le Temps presse de ses sandales
Ont coulé comme un vin dont l’ivresse nous ment ;
L’âge est venu sournois, furtif, fourbe et gourmand,
Mordre et flétrir, hélas ! nos gorges inégales ;
Notre vendange est faite et j’entends sur les dalles
Marcher le vigneron dans le cellier dormant.
Vous, ô mes Sœurs, je vois vos mémoires perdues
Vieillir poudreusement comme les outres bues,
Et moi qui visita la Muse aux ailes d’or,
Je resterai pareille à l’amphore embaumée
Où, captif aux parois qu’elle respire encore,
Vibre et rôde le vol d’une abeille enfermée.