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L’AMOUR ET LE SOMMEIL


Sur le mur bleu de lune et jaune de soleil,
Côte à côte, on a peint l’Amour et le Sommeil.
L’un portant le flambeau, l’autre la lampe éteinte
Et, jour à jour, le stuc s’écaille, le mur suinte,
Car la clepsydre est vide et la vie est passée.
Le sourire est plus pâle à la bouche effacée
Et je regarde, sans qu’à l’aurore il renaisse,
Le double emblème peint sur ton mur, ô Jeunesse
Et, jaunes de soleil ou bleuâtre de lune,
Le sablier vide ses heures, une à une,
En silence, et, là-bas, je regarde toujours
Le Sommeil qui longtemps dormit avec l’Amour
Dont le flambeau fume, s’éteint et devient noir
Et, peu à peu, au crépuscule, je crois voir,
Laissant traîner son aile au pavé qui l’effleure,
L’Amour las endormi près du Sommeil qui pleure.