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LE BOUQUET NOIR


Le nocturne jardin où le jour et l’été
Ont mûri l’espalier et fleuri la guirlande
Pour que le fruit trop lourd à la branche suspendue
Le flexible poids d’or de sa maturité,

Le nocturne jardin au soleil exalté
S’apaise, fleur à fleur, et la rose appréhende
Le crépuscule lent qui l’ouvre toute grande
Jusques à se mourir de sa suavité.

Tout le jour, de la chambre, à travers la persienne,
Nous avons respiré l’odeur aérienne
Du jardin tiède encor où nous irons, ce soir,

Écouter les fruits mûrs dans le silence las
Qui tombent, et cueillir, dans l’ombre, un bouquet noir
À d’invisibles fleurs que nous ne verrons pas.