Page:Régnier - Les Médailles d’argile, 1903.djvu/78

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Mon corps inattendu quelquefois apparaît
Au cher passant pour qui ma robe alors s’entr’ouvre
Et que, sous le tissu glorieux qui les couvre,
Palpite ma beauté et frissonne ma chair.
Ne sais-tu pas, non plus, que la source et la mer
Sont faites pour baigner ma peau et que le vent,
Debout à mon côté, de ses ongles, souvent
A dénoué ma chevelure pour la tordre
Éparse, et que ma bouche odorante aime à mordre
Les fruits voluptueux qui parfument la nuit ?
Et si, en m’appelant, dans l’ombre tu me suis,
Au retour de l’aurore, en retrouvant en moi
Le sourire hautain qui dompte et le pli droit
De ma robe sacrée où je suis haletante,
Tu verras, à travers sa pourpre transparente
Dont j’apparais à tous orgueilleuse et vêtue,
Marcher devant tes yeux la Muse pour toi nue. »