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LES FRÈRES


Crois-moi. Tes pieds sont faits pour suivre le chemin
Qui, du seuil de la porte au bord de la fontaine,
Conduit si mollement que sur son sable à peine
Se marquera ton pas silencieux et vain.

L’air natal respiré rend ton soupir divin.
Chante. Ta flûte est droite et juste ton haleine.
La nature s’émeut à la chanson humaine ;
La colombe roucoule et ne fuit pas ta main.

Pour moi, mon dur talon convient à la sandale ;
Ma semelle de cuir frappe fort sur la dalle ;
Mon souffle âpre sied mieux au cuivre qu’au roseau.

Adieu, Frère, la vie est double, rude ou belle,
Et saurons-nous quel Dieu nous fit ainsi rivaux,
Car ma voix furieuse est pourtant fraternelle ?