l04 PORTRAITS ET SOUVENIRS
sance avec ces visiteurs et l'on risquerait fort d’en
rester sur cette intention si ne survenait enfin l’époque de l’année que nous appelons encore, par habitude, l’époque des vacances. Chacun s’arrange pour
s’y ménager un peu de loisir et de liberté, et est-il
de meilleur emploi de cette liberté et de ce loisir que
de charger les poètes de les embellir de leurs rêves
et de charmer notre repos de leurs nobles agitations et de leurs divines inquiétudes ?
C’est ce que j’ai fait depuis quelques semaines.
Je me suis confié aux poètes et j’ai eu grandement
raison. Ils m’ont été d’une précieuse compagnie
et d’un charmant secours. Sans eux, je n’aurais vu
que le ciel pluvieux et gris de l’horrible été que
nous traversons ; j’aurais gémi sur l’inclémence
de la saison. Grâce à eux, je ne me suis pas trop
aperçu de la disgrâce où nous vivons. Les poètes,
en effet sont tous chantres du soleil et de la lumière, et ce sont cette lumière et ce soleil qu’ils
ont substitués pour moi à la terne réalité.
C’est là justement une des grandes et mystérieuses merveilles de la Poésie que de créer autour de
nous une atmosphère dans laquelle elle nous isole.
Par le mouvement de ses images, par l’incantation
de son rythme, la Poésie nous berce et nous enlace
en même temps qu’elle nous enivre. Elle nous
entoure d’un cercle magique d’où tout nous apparaît sous un aspect particulier. Elle change en