Page:Régnier - Portraits et Souvenirs, 1913.djvu/92

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Il serait puéril de nier que les poésies de Mallarmé soient — selon que l’on voudra — « entachées » ou « environnées » d’obscurité. M. Victor Margueritte, dans la belle étude qu’il a publiée au Figaro sur le maître de Valvins, en convient avec bonne foi, et M. Léopold Dauphin, qui vient de nous donner, sur celui qui fut pour lui un ami très cher, de charmants et précieux souvenirs, le constate aussi. Stéphane Mallarmé fut donc bien un auteur obscur, encore qu’il soit bon de remarquer que cette obscurité eut des degrés. Entre les premières pièces publiées par le Parnasse contemporain et le mystérieux morceau intitulé le Coup de dés, qui fut, je crois, la suprême tentative du poète, et celle où le mena le plus loin son génie de l’ellipse, il y a un écart considérable. A mesure que Mallarmé exigeait plus de lui-même, il demandait davantage au lecteur. Cette collaboration intime était, d’ailleurs, un des principes sur lesquels reposait sa doctrine poétique. Le vers, ayant toujours été pour lui moins un moyen de s’exprimer qu’une façon de suggérer, ne prenait son sens véritable et toute sa portée que dans ce contact intellectuel qu’il créait.

Cette conception du vers n’était que l’une des conséquences de l’idée que Mallarmé se faisait de la poésie. Il y en avait d’autres, sur lesquelles il serait trop long d’insister, et qui sont l’honneur du poète qui les a provoquées, voulues.