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Page:Régnier - Portraits et Souvenirs, 1913.djvu/93

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À PROPOS DE MALLARMÉ
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qui les a subies et acceptées. En effet, Stéphane Mallarmé, en renonçant, par conviction, aux moyens usuels dont on s’était servi jusqu’à lui, et en s’inventant, à ses risques et périls, un art tout personnel, se résignait d’avance à ce grief d’obscurité dont on ne cessa de le poursuivre, et auquel il fit face avec la plus fière et la plus souriante dignité.

En souffrit-il ? je l’ignore, mais je pense qu’il était à ce sujet défendu de tout regret par le sentiment d’avoir obéi, en agissant ainsi, à l’ordre d’une logique intime devant laquelle il s’inclinait, ce qui ne l’empêchait pas cependant de protester parfois ironiquement contre le renom d’obscurité dont il était entouré : « X… est un charmant garçon, — lui ai-je entendu dire un jour — mais pourquoi explique-t-il mes vers : cela tendrait à faire croire qu’ils sont obscurs. »

Certes, et je le reconnais tout le premier, les vers de Stéphane Mallarmé sont souvent obscurs (quelles beautés dans leur ombre transparente !), mais ils ne sont jamais inintelligibles, aussi est-il singulier de constater qu’ils soulevèrent de véritables fureurs. Ceux qui furent mêlés au mouvement symboliste de 1885 n’ont pas oublié les