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LA DOUBLE MAÎTRESSE

l’entouraient. Quatre pentes de talus de gazon en encadraient les quatre pans. Une allée étroite et sablée le bordait, et Julie qui aimait fort à la suivre n’en recevait la permission qu’avec la promesse de ne point quitter la main de Nicolas.

Là-dessus il se montrait intraitable, autant par prudence que pour le plaisir de tenir entre ses doigts la menotte qu’il y sentait toute vive d’impatience et de curiosité. Le tour fini, Julie voulait recommencer. Pour avoir la paix, le naïf Nicolas offrait d’aller à ce qu’on appelait le « petit bassin ». Julie lançait un dernier regard vers l’eau somnolente où s’engourdissaient des carpes paresseuses qu’on entrevoyait bleuâtres et fluides et comme à demi-mortes en leur bronze charnu.

Le petit bassin se trouvait en contre-bas du grand et à quelque distance. Il était orné à ses angles de figures marines, et à son centre d’un Triton qui levait d’un geste sa conque en spirale vers sa bouche toute gonflée du souffle de ses joues.

Mme  de Galandot, qui n’aimait pas les dépenses inutiles, avait laissé se perdre peu à peu ce jouet hydraulique, mais, en ouvrant les conduites à demi rompues, on obtenait encore qu’un mince filet d’eau s’égouttât de la conque obstruée. Cela suffisait à amuser Julie, mais non à remplir le bassin qui, l’été, tarissait complètement et écaillait sous le pied sa sécheresse limoneuse.

Julie y descendait, puis, montée sur le dos du Triton, elle attendait et battait des mains quand Nicolas soulevait par son anneau de fer une dalle de pierre et y introduisait une sorte de clé à cet