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LA DOUBLE MAÎTRESSE

usage. Ses petits bras autour du cou, sa joue contre la joue de la figure marine, elle écoutait avec une attention passionnée.

La statue, silencieuse plus ou moins longtemps, semblait enfin s’animer d’un bruit mystérieux et presque imperceptible qui sourdait dans son corps de bronze. L’eau arrivait lentement en elle, montait doucement avec un gazouillis léger, comme une sorte de fluide circulation intérieure. Peu à peu, elle atteignait la poitrine, semblait s’y épandre, puis dans un hoquet sourd passait la gorge, emplissait la bouche et débordait dans la conque d’où elle coulait en fils de cristal et en gouttelettes claires.

Alors Julie trépignait de joie, et il fallait, pour l’emmener de là, que Nicolas fermât les conduites et lui promît de revenir bientôt à ce délicieux plaisir.

Le temps passait, on arrivait à la mi-septembre, et Nicolas n’avait guère manqué un jour à cette servitude de son choix. À peine si sa mère lui demandait parfois où en étaient les leçons de Julie. Elle les supposait brèves et irrégulières et ne pensait pas que son fils y consacrât plus de temps qu’il en fallait pour satisfaire à un devoir qu’elle avait été fort aise de lui voir s’imposer et qui lui semblait en son fils une marque de sérieux dans le caractère. Nicolas, par contre, cachait soigneusement sa camaraderie avec sa cousine. C’était un coin réservé de son existence et il se sentait fort jaloux de ce petit secret qui lui tenait fort à cœur.

Du reste, il n’avait guère à craindre d’indiscré-