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LA DOUBLE MAÎTRESSE

pirouettait sur les talons et sifflait un air à danser qui s’arrêtait entre ses dents à mesure qu’il approchait de Pont-aux-Belles, car Mme  de Galandot lui en imposait fort, et il redoutait toujours que quelque lubie de la dame lui refusât sans recours cette gentille nièce dont elle n’avait vraiment que faire, ni elle, ni ce grand niais de Nicolas.

À peine Julie descendue de berline, embrassée, cajolée par Mme  du Fresnay qui l’accablait de tendres noms et de caresses passionnées, on la conduisait à la chambre qui lui était réservée et qui formait un petit appartement élégant et coquet. Certes on ne trouvait pas au Fresnay les grandes proportions de Pont-aux-Belles, mais tout y était, par contre, joli, commode et pimpant, arrangé au goût du jour, plein de meubles galants et de tapisseries claires.

Le salon en rotonde donnait sur un long jardin au bout duquel M. du Fresnay avait fait construire un pavillon de musique. Des colonnes soutenaient un fronton octogone. L’édifice était sculpté d’attributs et de guirlandes et fourni de pupitres à jouer et d’instruments divers. M. du Fresnay y passait beaucoup d’heures à étudier. Julie venait souvent rôder autour ; elle écoutait l’harmonie qui filtrait au dehors, par les hautes fenêtres ; elle voyait M. du Fresnay debout, le violon collé au jabot, ses belles manchettes de dentelle s’agitant aux mouvements de l’archet. Lui l’apercevait et faisait signe d’entrer.

Elle ne pénétrait dans le pavillon qu’avec un respect curieux et sur la pointe de ses petits pieds,