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Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/139

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LA DOUBLE MAÎTRESSE

jugea propre à la vie sans la deviner prête à l’amour, et, une fois la revue faite et quelques observations assez aigres sur la forme de ses vêtements et le goût de sa parure, elle remit ses lunettes dans l’étui, recroisa ses mains sur son fichu et continua à se tâter le pouls et à tirer la langue dans un petit miroir qu’on disposait à sa portée pour cet usage.

On faisait silence autour d’elle. Julie, assise sur une chaise, regardait alternativement chacune de ses mains qu’elle avait fines et potelées. Nicolas, sur une autre chaise en vis-à-vis, faisait une assez piteuse figure, ne sachant trop comment se tenir, puis finit par gagner la porte sur la pointe des pieds pendant que sa mère faisait sa sieste accoutumée. Julie, qui n’osait quitter la place, eut tout le temps de songer à l’ennui qui l’attendait à Pont-aux-Belles. À quoi allait-elle pouvoir s’occuper ? Et elle se prenait à penser qu’après tout son cousin Nicolas n’était pas déjà si mal tourné. Il avait juste trente ans, le corps maigre, les jambes hautes. Il portait un habit couleur de tabac d’Espagne, à basques un peu trop longues et trop larges pour lui. Avec cela un visage osseux et doux, la figure régulière et simple et au demeurant point laid du tout.

Le lendemain, Nicolas se montra vraiment l’homme le plus embarrassé du monde. Il avait mal dormi et se sentait tout déconcerté par la présence de Julie. D’autant plus qu’il était, en quoi que ce fût, lent à se résoudre. Le vide de la vie habitue, faute d’événements, à réfléchir longue-