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LA DOUBLE MAÎTRESSE

sait avec la bassesse de propos la plus crue, sans s’inquiéter des oreilles qui l’écoutaient. Mme de Galandot avait trop entendu dans sa jeunesse ces ignobles querelles domestiques où l’on appelait tout plus que par son nom. Son frère l’avait, à son tour, et pour son compte, poursuivie de toutes les ordures. Le misérable, qui ne respectait rien, ne la respectait pas davantage et la harcelait de ses discours et de ses desseins criminels. Que de fois elle avait dû se boucher les oreilles et repousser des mains brutales et avinées ! Irrité de son refus et de son mépris, le cynique drôle prenait plaisir à étaler sous les yeux de sa sœur, sinon en fait, du moins en paroles, l’ignominie de ses goûts, et c’était toute cette vase et tout ce faguenas qui lui remontait aujourd’hui à la gorge par un retour inopiné.

Elle avait revu en son fils ces mêmes mains hardies et scabreuses de l’homme qui cherche son désir, cette face sournoise et convulsive que fait l’approche du plaisir. Elle s’était juré que Nicolas échapperait à la loi vulgaire et commune, et de tout faire pour qu’il en fût ainsi. Et la surprise d’une petite fille déjouait ses plans. Il avait suffi d’un peu de chair vivante et fraîche pour rendre Nicolas un homme comme un autre. Il avait palpé une gorge avec ses mains, flairé l’odeur d’une femme, cherché sur elle à tâtons la place animale du plaisir.

Donc Nicolas était un homme ! il était corrompu, lui aussi, de cette sorte de basse ardeur à la satisfaction de laquelle ils subordonnent tout le