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LA DOUBLE MAÎTRESSE

reste. Des sens étaient nés en lui, et rien n’en arrêterait désormais le cours, ni les règles de l’honneur, ni les principes de la religion, ni aucune considération d’aucune espèce. À quoi avait donc servi l’éducation solitaire qu’elle lui avait donnée ? Qu’avaient fait de lui ses soins et ses précautions ? « Un larron qui pille mes fleurs, vole mes fruits pour une gueuse, un paillard qui assaille une fille sous mes yeux ! Ah ! le pendard, le maraud, pouah ! » Car dans sa colère elle mêlait tout, et les rapports du jardinier Hilaire et ce qu’elle venait de voir, allant et venant devant Nicolas hébété, oubliant ses années, ses maladies, sa coiffure dérangée dont les mèches grises lui battaient la tempe.

Puis elle pleurait, elle lui parlait presque doucement jusqu’à ce que quelque image vînt lui rendre toute sa fureur. Julie avait sa part d’injures. À chacune Nicolas redoublait de larmes, ce qui exaspérait encore davantage Mme  de Galandot. Elle s’emportait contre Julie, puis mêlait à sa rage des propos de théologie. Des mots de Bible, des bribes de psaumes lui sortaient de la bouche avec des paroles de corps de garde et de mauvais lieu. Et les invectives allèrent leur train deux heures durant. Elle marchait sur Nicolas et le secouait durement par l’épaule.

Le soir était venu. Un peu de vent, qui s’était élevé, avait poussé le volet. Mme  de Galandot ouvrit l’une des fenêtres ; ses mèches grises frissonnèrent. Des parfums d’arbres entraient, Mme  de Galandot y reniflait une odeur de péché. Julie