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LA DOUBLE MAÎTRESSE

le Grand Turc lui-même. Les fruits grimacent, ricanent, sourient, et l’abbé se plaisait à considérer que la nature déguise en leurs nombreux visages sa figure invisible qu’ils diversifient de la leur.

Et il marchait en philosophant de la sorte à sa façon. Une grande rumeur montait de tant de bruits divers où se mêlaient le grincement des roues et le claquement des fouets, et tout ce murmure qui est comme la respiration même de la cité, et dont il aimait à se sentir un des souffles passagers.

L’abbé Hubertet aimait Paris et tout ce qui pouvait contribuer à l’embellir et à l’augmenter. Chaque maison qu’il voyait bâtir le réjouissait. Il prisait la bonne entente des échafaudages. La scie du tailleur de pierre, le rabot du menuisier, le maillet du charpentier étaient doux à ses oreilles. La truelle du maçon gâchant son plâtre lui caressait l’ouïe. Certes, il estimait les arts de la peinture et les toiles où les peintres représentent des nymphes et des dieux, mais il ne méprisait point ce que de plus humbles artisans tracent d’un pinceau naïf sur les enseignes de la rue et où ils figurent de leur mieux l’image des industries et des professions dont ils signalent à tout venant la présence et la nature.

L’abbé ne dédaignait rien. La promenade des Remparts valait à ses yeux celle de la Râpée. Il descendait la Courtille du même pas que le Cours-la-Reine et regardait l’eau couler aux fontaines, pensant que nos jours n’ont guère d’autre but qu’elle. Ils emplissent notre mémoire de leur fluide transparence et en font comme un frais