Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
204
LA DOUBLE MAÎTRESSE

saient côte à côte. Les Néréïdes et les Nymphes versaient à la même urne leurs eaux douces et salées. La mer elle-même déposait sur la rive le char du dieu vigneron. Cela formait un spectacle bigarré et dansant, magnifique par la diversité des attitudes, l’entente des décors et l’excellence des machines. Des divinités disparates représentaient le double élément, terrestre ou maritime. Les Faunes portaient des masques terreux et les Tritons des masques glauques. Ils composaient un divertissement comique où ils houspillaient le Mensonge laissé à Ariane par l’infidèle Thésée et que représentait un personnage grotesque, avec une jambe de bois, un habillement couvert de petits masques et une lanterne sourde ; et la pièce finissait par une bacchanale dansée où, au milieu des figures de toutes sortes, Ariane apparaissait, montée sur le char du dieu, parmi les pampres, les thyrses et les tambourins. Elle était debout, vêtue d’une robe moirée d’or et d’une draperie tigrée et coiffée de grappes. Le souffle orgiaque faisait palpiter sa gorge, et elle recevait des mains d’Hébé la coupe de la jeunesse divine et de l’ivresse éternelle.

Le public, qui avait distingué, dès ses débuts, Mlle  Damberville, l’idolâtrait. Sa carrière avait été heureuse et rapide. Figurante, puis danseuse en double et danseuse seule, elle connaissait ce que la gloire du théâtre offre de plus bruyant et de plus délicat en applaudissements et en renommée. Elle avait excité l’enthousiasme de la foule et mérité le suffrage des amateurs. Son existence de