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LA DOUBLE MAÎTRESSE

Déesse et de Fée lui donnait sur les hommes un pouvoir irrésistible. Ils s’empressèrent, à l’envi, de satisfaire ses moindres caprices. Elle eut tout de l’amour, même de la richesse.

Chacun voulait pour lui seul de Mlle Damberville, car les hommes prennent un grand plaisir à toucher les éléments naturels qui ont contribué à leur illusion et l’étreindre, si l’on peut dire, en sa nudité. Ils recherchent l’intimité d’un corps dont la vue a été la raison de leur volupté.

Aussi, Mlle Damberville, célèbre au théâtre, fut-elle courue au boudoir. L’histoire de son lit et les anecdotes de son sopha défrayaient la chronique galante, de sorte que M. de Portebize enjoignit à M. Laverdon de se surpasser, car il savait que parfois Mlle Damberville ne se montrait pas insensible à la bonne mine et, tout en suivant le plus souvent son intérêt, ne dédaignait point, de temps à autre, satisfaire son caprice.

C’est ainsi qu’on lui attribuait en ce moment M. de Valbin, le neveu du chancelier, qui se ruinait pour elle, et M. le chevalier de Gurcy qui ne dépensait que ce qui ne coûte guère aux jeunes gens de son âge. Cette bonne fortune, due à des qualités, disait-on, exceptionnelles, rendait M. de Gurcy le plus fat des hommes. Il se croyait tellement sûr de sa valeur qu’il ne voyait aucun danger à introduire auprès de Mlle Damberville son ami Portebize qui, sans avoir peut-être le mérite particulier du chevalier, pouvait au moins prétendre à celui de la fraîcheur et de la nouveauté.