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LA DOUBLE MAÎTRESSE

qu’elle eût, comme le disait crûment M. Garonard, le rein souple et la fesse jolie.

MM. de Clairsilly et de Bercherolles à qui Gurcy mena ensuite M. de Portebize le saluèrent fort poliment.

Ils passaient tous deux pour gens d’esprit. M. de Bercherolles en avait de toutes les sortes et même celui d’être riche. M. de Clairsilly se vantait de savoir se passer de l’être. Il ne s’appelait jamais autrement que le « pauvre Clairsilly » et le sobriquet lui en restait. Sa petite taille convenait parfaitement bien à son visage vif et fin. Né pour l’intrigue, il avait le pas léger, l’allure souple, la pirouette prompte. Il n’entrait point, mais se glissait ; il ne sortait pas, mais s’esquivait. Il entrebâillait les portes sans les ouvrir entièrement. Mlle  Damberville le surnommait « le vent coulis ». « L’hiver prochain, je ferai faire une chatière pour Clairsilly », disait-elle en riant. Il semblait, en effet, avoir pris la précaution de ne pas grandir pour pouvoir rentrer en terre plus facilement. Il avait été très aimé des femmes sans qu’on sût au juste s’il les aimait. Lui se prétendait fidèle et sensible et se plaignait qu’on ne lui eût jamais donné le temps de s’attacher ; c’est alors qu’il gémissait sur le sort du « pauvre Clairsilly ». Il ne tarissait point sur ce qu’il nommait ses bonnes infortunes. Avec tout cela, pas mauvais homme, mais bavard, sémillant, coquet et fat, et se vantant d’avoir eu à mesure toutes les maîtresses de son ami M. de Bercherolles.

Celui-là était, à quarante-cinq ans, assez gros et