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LA DOUBLE MAÎTRESSE

tout vermeil, avec une figure fraîche, de beaux traits un peu gras, de la prestance et de la grâce. Financier habile et heureux, il avait passé aux Fermes générales juste le temps de se faire les mains et, une fois faites, il n’avait eu cesse de sortir de là. Aussitôt, de gros fermier, il devint, du coup, grand seigneur. « Bercherolles, lui avait dit M. de Clairsilly, il s’agit maintenant de dépenser et de te désenrichir. »

M. de Bercherolles suivit le conseil. Autant aux affaires on l’avait connu âpre, flibustier et mécréant, autant il se montra dès lors doux, poli et généreux. Son train lui valut l’estime et l’amitié du monde, car nulle part on ne mangeait mieux que chez lui. Il restitua par le faste et par la table ce qu’on lui eût reproché autrement de garder pour lui. On lui sut gré de l’usage qu’il faisait de ses écus, car il sut être à propos libéral et oublieux. « Le tout, disait-il souvent, est de savoir se modérer. Ce que l’on reproche aux traitants est moins de s’enrichir, ce qui prouve après tout leur sens et leur habileté, que de s’obstiner à s’enfler outre mesure, ce qui marque alors leur avidité et leur avarice. On leur demande assez justement de la promptitude à se mettre en état. Un homme, en effet, qui passe cinquante ans à faire fortune garde de ce long labeur un fumet de finance qui ne sent point bon et qui ne s’évapore pas. Il lui reste une gourme de gagne-petit dont il ne se défait plus. Il s’agit, tout au contraire, d’aller vite et bien en besogne et de rentrer au plus vite son fumier. En ce cas on n’est plus qu’un galant homme qui a eu