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LA DOUBLE MAÎTRESSE

treillagées, deux statues de marbre représentaient des Chasseresses. À leurs pieds, des lévriers allongeaient le museau vers deux vasques qui se versaient en deux autres plus grandes. Ces fontaines murmuraient doucement. Sur la table, les bougies des candélabres brûlaient en flammes claires. Un service de porcelaine blanche très peu rehaussé d’or entourait un surtout de fleurs parmi des cristaux et des argenteries. La salle, chauffée à outrance, offrait une température forte et savoureuse. Le pas des laquais, chaussés d’une semelle de feutre, ne s’entendait pas autour de la table. On s’assit, il y eut un léger bruit d’étoffes et une toux de l’abbé Hubertet.

M. de Portebize regarda Mlle  Damberville qui se trouvait placée non loin de lui. Elle avait dégagé son buste svelte des écharpes de gaze qui le voilaient. Ce fut comme si les lumières eussent tout à coup fait éclore la nudité de ses épaules et mûri subitement la rondeur de sa gorge que la corbeille du corsage montrait petite, délicieuse et ferme. Le cou soutenait la tête dans un port hardi. Le visage s’y proportionnait à merveille. Il apparaissait délicatement sculpté dans juste assez de chair. On y admirait l’éclair des yeux, l’arc de la bouche, la courbe fine du nez qui résumait la figure entière par sa précieuse précision. Le front se parachevait de la poussée drue des cheveux où la poudre posait son vaporeux frimas.

Mlle  Damberville était ainsi inattendue et charmante. On eût dit que quelque chose venait de se dissiper autour d’elle. Elle semblait cristallisée